Banh da cua, une naissance hors de Hanoi
Avant toute chose, rendons à César ce qui lui appartient : Bánh đa cua est en fait originaire de Hai Phong, avant d'être la star capitale que les gourmets initiés connaissent. Si la "ville aux flamboyants rouges" est certes connue pour son banh mi cay (un sandwich qui a du piquant) et son banh duc (galette de riz préparée avec de l’eau de chaux), elle doit aussi sa réputation à cette soupe aux senteurs et aux saveurs fantastiques. A seulement une centaine de kilomètres de Hanoi, Haiphong a cependant développé une cuisine de rue bien à part, avec sa personnalité à elle, à l'image de ce mini-sandwich baptisé Bánh Mì Cay. Faisant fi de la taille standard du banh mi courant et de sa garniture sophistiquée (viande, coriandre, pickles, sauce, etc.), le Bánh Mì Cay fait 2 doigts de longueur et se tartine généreusement d'une tranche de pâté de porc. Est-ce là tout ? Que nenni ! Toute la subtilité vient d'une sauce… épicée dirons-nous, piquante serait l'adjectif plus approprié. Simple, efficace, délicieux.
Banh da cua, un mélange unique de parfums et de saveurs
Quelle est donc la recette de ce plat dont tous les Hanoïens raffolent ? On ne le dira jamais assez, un des trésors culinaires du Vietnam réside dans l'innombrable variété de nouilles, de pâtes et autres vermicelles, de toutes les formes, de (presque) toutes les couleurs et de tous les goûts. Gloire aux nouilles. (Certains préfèrent les vermicelles ou les grosses pâtes faites à base d’haricots mungo).
Banh da est une nouille typique de Haiphong, aux tons brun-rouge, plus large que le bun ou que le hu tieu de base. Gloire soit rendu au gấc, qui permet cette teinte inimitable. Il en faut la juste proportion, trop de gac et les nouilles virent au noir pas mangeable, pas assez et elles seront pâlichonnes et fades. Le gac, c'est ce fruit que certains appellent momordique ou fruit du paradis. Il n'a absolument aucun gout, mais il est riche en bêta-carotène, d’où la couleur que prennent les nouilles (ou le riz pour un xoi gac). Il est plein de trucs bons pour la santé, aussi. Mais la vraie raison du succès du Banh da cua est peut-être ailleurs.
Le succès est dans le bouillon. Très aromatique, il est composé de chair de crabes de rizière, de tomates, d’oignons secs, de poivrons rouges, de citron, de tronc de bananier jeunes ou de fleurs de bananier, de mélisse et de basilic. On y ajoute pour lui donner plus de vigueur quelques cuillères de sauce de poisson et de pâte de crevette. Un bon début, n'est-ce pas… Le "Cua" de Banh da cua voulant dire "crabe", il est essentiel que ce valeureux crustacé soit mis à l'honneur. Il sera ici mis en valeur par des tranches assez molles de chair de crabes d'eau douce qui sera broyée puis réduite en pâte. Le néophyte pourrait craindre un goût prononcé, mais il en n'est rien, le fumet se propage dans tout le bouillon avec une rare élégance. Gloire aux crabes d'eau douce.
Au bouillon, on ajoute du tofu, des piments rouges, des liserons d’eau et des tranches de jambon de porc vietnamien. Le tout saupoudré d’oignons grillés.
On peut pousser l'épicurisme culinaire jusqu’à proposer en accompagnement 2 ou 3 galettes de chả cá (poisson frit), d'un peu de chả lụa (mortadelle vietnamienne) et de morceaux de bœuf enroulés dans une feuille de bétel…
Lors de votre prochaine excursion dans le Nord-Vietnam, commandez un Banh da cua… Vous nous en direz des nouvelles !