Banner

Le culte des Déesses Mères au Vietnam

Au troisième et huitième mois lunaires, les Vietnamiens organisent des cérémonies de possession d’esprits lors desquelles les divinités du culte des déesses-mères investissent le corps de chamans masculins ou féminins. Un rite qui remonte au 2ème ou 3ème siècle avant J.-C. et qui prend sa source dans les éléments naturels.  

deesses-meres-au-Vietnam

 

Aux origines

Au commencement des temps était le Féminin Sacré. Celui-ci régnait alors sur les 4 Mondes : le ciel, la terre, l’eau et la montagne associée à la forêt. En ces temps, les hommes vénéraient les éléments naturels, animés chacun d’un esprit susceptible de les protéger, eux, leurs familles et leurs récoltes. La perception toute intuitive des premiers hommes soumis aux forces de la Nature leur donnait une conscience des énergies à l’œuvre dans l’Univers, avec ses rythmes saisonniers, son abondance nourricière, les mystères du jour et de la nuit, de la naissance et de la mort, tout cela cristallisé dans la Femme. La Terre était pour eux un organe vivant qui les abritait, les nourrissait, se mettait parfois dans des colères furibondes et meurtrières ; elle avait tout pouvoir sur eux. C’est ainsi que le sens du sacré – suscité par la déférence envers les éléments naturels, la Vie, en somme – fut paré des attributs féminins.

Le mythe de la création apparaissant sous la forme de la Grande Mère Cosmique ou Grande Déesse est le principe fondateur de toute croyance magique, soutenue par ses rituels chamaniques.

Incarnation du sacré, la femme dominait alors la société humaine et présidait à la naissance de la conscience religieuse, elle était le seul lien entre les mâles et l’invisible (Avant que ceux-ci ne se révoltent et inventent les dieux et les rois de droit divin). On retrouve des traces de ce culte primitif dans absolument toutes les civilisations, citons rapidement quelques déesses mères parmi les plus connues : Lilith, première femme d’Adam, avant que celui-ci ne connaisse Eve, la déesse-mère à l’enfant dans la tradition égyptienne que le christianisme primitif associera à Marie. Mari, (sans le «e» final) est dans la tradition mythologique basque la «Dame de tous les génies telluriques», citons bien entendu Isis, Gaia et Venus ou encore Nerthus (Traduit par Terra Mater) dans les anciens cultes nordiques. En Inde, enfin, la vénération pour les Déesses Mères remonte à la période védique, avec l’énergie féminine Mahimata, un terme qu’on peut traduire par «Terre Mère».

 

Un culte typiquement vietnamien

thanh-dongSi les origines du culte des Déesses-Mères est universel, sa pratique - qui emprunte au culte des ancêtres, puis telle qu’elle apparait vers les 2ème ou 3ème siècles avant l’ère commune au Vietnam et plus encore avec sa formalisation au 16ème avec Lieu Han consacrée «Princesse du Ciel» - sa pratique donc, est typiquement vietnamienne. Aux temps anciens, les Vietnamiens voyaient dans toutes les manifestations de la Nature (Soleil, lune, montagnes, rivières…) l’action et le pouvoir d’une déesse à laquelle il fallait rendre un culte. Les historiens et autres savants en ont dénombré près de 75… Il faut attendre l’an mille de notre ère pour que tout ce petit monde se structure sous la figure impériale de l’Empereur de Jade, d’origine taoïste.

Assez vite, le panthéon vietnamien accueille les 4 Déesses régnant sur l’univers depuis un Palais (Tu phu) : Mâu thuong thiên dirige le ciel depuis son palais du nom de Thien Phu, Mâu Dia a toute puissance sur la terre depuis Dia Phu, Mâu Thuy règne sur les eaux depuis Thoai Phu et Mâu Thuong Ngàn est maitresse des forêts et des montagnes depuis son palais de Nhac Phu. Une quantité incroyable de légendes  rapporte les détails de la naissance et des faits et gestes de chacune. Une des quatre est souveraine des trois autres : la Mère Céleste ou Mère du Paradis : Mau Thuong Thien. Celle-ci est représentée sous les traits de Lieu Hanh, la fille de l’Empereur de Jade, qui, selon la légende, s’incarna sur terre en une petite fille au 16ème siècle. Lieu Hanh règne à la fois sur le monde céleste et le monde terrestre. Il reste donc au panthéon les trois plus populaires des déesses mères : la Déesse-mère du Ciel gère le firmament et maîtrise les actes naturels tels que nuages et pluie, vent et tempête, tonnerre et foudre ; la Déesse-mère des Montagnes et des Forêts qui régit 81 portes et les zones montagneuses et la Déesse-mère de l'Eau qui gouverne l'eau, la pluie, le vent, les rizières et les poissons. Ce sont ces «Trois Saintes Mères» qui sont vénérées lors des cérémonies du «Tho Mâu Tam Phu», le culte des Déesses-Mères.

Le panthéon de «Tho Mau Tu Phu» dispose de huit grades :

  1. la Dame de la miséricorde (Guan Yin),
  2. l’Empereur de jade,
  3. la trinité des Déesses-Mères,
  4. les cinq Grands Mandarins,
  5. les douze palais des Dames d’honneur,
  6. les dix palais des Princes,
  7. les douze demoiselles royales et
  8. les douze petits princes.

 

Tho Mau Tam Phu

Il est très important de garder à l’esprit deux aspects fondamentaux du culte des Déesses-Mères : la Nature est vue comme la Mère et on ne prie pas les Déesses-Mères pour son salut dans l’au-delà, mais pour être guidé dans le monde bien réel du quotidien avec les 3 souhaits des hommes :  santé, richesse et belle carrière. On les sollicite pour ce qu’elles sont réputées apporter aux ici-bas : bonheur, prospérité et longévité. Il n’est pas question ici de parier sur le paradis ou sur l’enfer, mais bel et bien d’une religion de la vie de tous les jours. Et enfin, notons que c’est une religion multiculturelle – une spécificité toute vietnamienne : dans la cinquantaine de génies adorés dans le culte des Déesses-Mères, plus d’une dizaine provient des croyances et rites des minorités ethniques, montrant par là son œuvre d’intégration, d’équité voire d’universalité.

 

Déroulement d’une cérémonie de Thau Mau Tam Phu

thau-mau-tam-phuNé dans le Nord du Pays, dans le Delta du Fleuve Rouge, le culte des Déesses-Mères s’est ensuite répandu dans le Centre et le Sud du Vietnam. On dénombre plus de 7 000 lieux de culte qui présentent tous trois trônes destinés à la Mère Liêu Hanh (au milieu), à la Mère des Eaux (à droite) et à la Mère des Forêts et Montagnes (à gauche). Devant l’autel se déroule une natte sacrée, sur laquelle les médiums pratiquent le rituel «hâu dông», ou rituel de possession, moment fort et important du culte des Déesses-Mères. On trouvera également une table-miroir, posée entre l’autel et de la natte, servant à recevoir l’eau et l’alcool offerts aux génies. La cérémonie mêle chants religieux, danses et musique, dans un rythme et une ambiance propice à la transe. Les costumes ont aussi un rôle important dans le déroulement de la cérémonie, notamment pendant Hau dong (communiquer avec les esprits par l’entremise d’un médium) ou Len dong (entrer en transe). A ce moment du rituel, le corps des « ông dông » ou « bà dông » (les médiums masculins ou féminins, on parle aussi plus généralement de Thanh dông ou homme des esprits) sont utilisés par les esprits pour communiquer avec les hommes. Ils sont accompagnés de 4 hau dang, des assistants, qui les aident à bruler l’encens et à changer de costume. En particulier, ils ont la tache de couvrir la tête du (de la) medium d’un voile rouge, pour marquer l’entrée ou la sortie du corps du chaman. L’entrée dans le corps est dite gia ou incarnation. La cérémonie comporte jusqu’à 36 Gia Dong ou scènes chantées, chacune étant réservée à un génie en particulier.  Le chaman, vêtu de couleurs criardes et exagérément maquillé, ne peut être possédé par plus de 36 esprits. Cette incarnation est facilitée par les chants, les danses, l’encens, la bénédiction des participants, la distribution des offrandes… Il s’agit d’un rituel à la fois complexe et fascinant. Puis l’esprit quitte le corps du medium, celui-ci revêt alors le costume et les accessoires correspondant au prochain génie. Pour bénéficier des largesses des Déesses-Mères, il est demandé de se présenter à elles avec un cœur pur et de nobles intentions. L’honnête homme se comporte avec générosité et dignité, il respecte ses ancêtres et est reconnaissant envers ceux qui œuvrent pour la Nation. Assis par terre tout autour de la natte sacrée, les mains jointes devant la poitrine, les fidèles suivent attentivement le médium. Par son intermédiaire, ils peuvent communiquer avec les esprits ou les défunts. Le rituel dure des heures, jusqu’à ce que la transe du/de la Thanh dông cesse. La séance se termine par une musique et un chant d’adieux. 

Ces rituels sont pratiqués lors de cérémonies locales, mais également lors de grands festivals et de pèlerinages tout au long de l'année. Ils ont été reconnus par l’UNESCO en 2016 au titre de patrimoine culturel immatériel de l’humanité.  

 

Phu Dây, le festival rendant hommage à la déesse Lieu Hanh

Tous les ans au début du 3ème mois lunaire (généralement début avril) dans la commune de Kim Thai, province de Nam Dinh, on rend hommage à la déesse Lieu Hanh. Dans cette commune, pas moins de 21 bâtiments constituent ce qu’on désigne comme le Temple de Phu Dây. Parmi ces bâtiments, trois sont liés au culte de la Déesse-Mère. C’est ici que chaque année, des milliers de femmes convergent (mais il y a aussi des hommes !) pour rendre un culte aux Trois Saintes Mères et plus particulièrement à Lieu Hanh, la Déesse du Ciel et de la Terre.

Nam Định, Thanh Hóa et Ninh Bình constituent le berceau de cette religion, la déesse Lieu Hạnh y est d'ailleurs apparue par trois fois. De nombreux temples ont été érigés en son honneur, dont phu Day dont on vient de parler et phu Lap dans la province de Nam Dinh sont les plus connus. A Hanoï, phu Tay Ho sur les rives du lac de l’Ouest lui est dédié.

 


Cet article vous a plu ?
Découvrez nos circuits culturels et incontournables au Vietnam !


Commentaires

Avez- vous besoin d'autres renseignements ? Veuillez laisser vos commentaires ici.

Envie d’un voyage sur mesure au Vietnam, au Laos et/ou au Cambodge?

Créez votre propre voyage et demandez un devis gratuit sans engagement

Bonjour

Avez- vous une question particulière ? Des envies de voyage à partager ? N'hésitez pas à discuter avec un de nos experts en voyage qui est disponible 24/7

Écrire un message
Support