À seulement une quarantaine de minutes de route de Hanoi, au-delà des avenues bruyantes et des scooters qui se faufilent sans relâche, s’ouvre un paysage bien différent : celui de la campagne vietnamienne. C’est dans ce décor paisible que se niche le village de Ha Thai, connu dans tout le pays pour son art unique : la laque.
Pour le voyageur curieux, Ha Thai est bien plus qu’une simple halte artisanale. C’est une plongée dans un univers où la tradition côtoie la créativité contemporaine, où les gestes immémoriaux rencontrent les défis du monde moderne.
Ha Thai - Un village, une histoire millénaire
Ha Thai appartient à la commune de Duyen Thai, district de Thuong Tin, au sud de Hanoi. Son histoire se confond avec celle de la laque vietnamienne, connue sous le nom de sơn mài. L’art de la laque, venu de Chine il y a plus d’un millénaire, a trouvé au Vietnam un terrain fertile, s’adaptant aux croyances locales, aux symboles culturels et au sens esthétique propre au pays.
Les habitants de Ha Thai ont très tôt compris la valeur de cette résine. Selon la tradition, ce sont des familles d’artisans itinérants, appelés à restaurer des pagodes et à décorer des temples, qui auraient implanté leur savoir-faire dans le village. Dès les dynasties féodales, les objets de Ha Thai ornaient les palais royaux, les autels familiaux et les maisons des notables. Leur réputation grandit au fil des siècles : un plateau ou un paravent signé de Ha Thai devenait un gage de raffinement et de qualité.
La magie de la laque vietnamienne
La laque n’est pas une simple peinture, ni un vernis décoratif. C’est une matière vivante, exigeante, qui demande patience et précision. Extraite de l’arbre à laque (cây sơn), la résine est récoltée goutte à goutte, à la manière de la sève d’un érable. Elle est ensuite filtrée, travaillée et appliquée en fines couches successives sur des supports variés : bois, bambou, parfois métal ou même toile.
La particularité du sơn mài vietnamien réside dans sa profondeur. Les artisans superposent souvent quinze à vingt couches de laque, chacune devant sécher parfaitement avant d’être poncée. Les couches se révèlent peu à peu, créant des reflets uniques, une brillance presque hypnotique. Contrairement à la peinture classique, la laque ne recouvre pas seulement la surface : elle pénètre, elle dialogue avec la matière, elle la transforme.
Un processus qui exige patience et précision
Créer un objet laqué digne de ce nom, c’est accepter de laisser le temps faire son œuvre. Une pièce simple peut nécessiter plusieurs semaines. Une pièce complexe – un grand tableau incrusté de nacre et d’or, par exemple – demande parfois des mois, voire une année.
Le processus suit des étapes immuables :
- Préparation du support – bois, bambou, métal ou toile, soigneusement poncé.
- Application des couches de laque brute – jusqu’à vingt passages, entrecoupés de séchages et de polissages.
- Décoration – incrustation de coquilles d’œuf, de nacre, d’or ou d’argent, parfois peinture à la poudre naturelle.
- Ponçage et polissage final – qui révèlent la profondeur des couches et la brillance unique du sơn mài.
L’artisan ne découvre le résultat final qu’au moment du polissage, comme un sculpteur qui libère peu à peu la forme contenue dans la pierre. Cette part de surprise, d’incertitude, fait de chaque pièce une création vivante.
Ce qu’on découvre en visitant le village de Ha Thai
Des ateliers ouverts et vivants
Contrairement à certains villages touristiques où tout semble mis en scène, le village de Ha Thai reste authentique. Ici, les visiteurs ne pénètrent pas dans un décor figé, mais dans de véritables ateliers où le travail se fait en continu.
Les artisans accueillent volontiers les curieux, expliquent les gestes, montrent leurs outils. Certains proposent même des initiations : coller un morceau de coquille d’œuf, tracer une première couche de laque, comprendre la préparation des pigments.
Des créations entre tradition et modernité
Les thèmes classiques sont toujours présents : lotus en fleurs, buffles labourant les rizières, scènes de pêche sur le fleuve Rouge, pagodes nichées dans la brume. Mais les artisans de Ha Thai savent aussi innover. Aujourd’hui, on trouve des bijoux élégants, des accessoires de mode, des objets minimalistes adaptés aux intérieurs contemporains. L’artisanat se réinvente sans trahir son essence.
Le plaisir du shopping malin
Pour les voyageurs, le village de la laque de Ha Thai reste une adresse idéale pour acheter de la laque vietnamienne authentique. Les prix sont bien plus doux qu’à Hanoi, où les galeries chic affichent souvent des tarifs multipliés.
À Ha Thai, on peut discuter directement avec l’artisan, comprendre son travail, parfois même passer commande pour une pièce sur mesure. Boîtes décoratives, plateaux, coffrets, tableaux ou bijoux : l’éventail est large, et chaque objet porte en lui une part de l’âme du village.
Informations pratiques pour organiser sa visite du village de Ha Thai
Comment s’y rendre ?
Depuis Hanoï, comptez 45 minutes en voiture ou à moto par temps normal, un peu plus aux heures de pointe. Plusieurs options s'offrent à vous selon votre budget et vos préférences.
Le taxi ou Grab reste le plus simple - comptez environ 300 000 VND pour l'aller-retour, prix qui peut se négocier si vous prévoyez plusieurs heures sur place. Les chauffeurs connaissent généralement Ha Thai, mais il peut être utile d'avoir l'adresse précise d'un atelier pour éviter les malentendus.
Les bus locaux vers Thuong Tin s'arrêtent à proximité du village, solution économique mais moins pratique car il faut ensuite marcher un peu et s'orienter dans les petites rues. Pour les plus aventureux, la moto-taxi (xe om) depuis l'arrêt de bus constitue une option locale amusante.
Quand visiter le village de la laque de Ha Thai ?
Le village de la laque de Ha Thai se visite toute l'année, chaque saison ayant ses avantages. La période d'octobre à avril offre un climat plus agréable - sec et frais, parfait pour flâner dans les ateliers sans transpirer, avec une lumière idéale pour observer les détails des objets laqués.
De mai à septembre, il fait plus chaud et humide, mais la campagne environnante se pare d'un vert éclatant qui ajoute au charme de l'excursion. Les orages de fin d'après-midi donnent parfois un côté dramatique au paysage. C'est aussi la période où les artisans travaillent plus aux heures fraîches, tôt le matin ou en fin de journée.
Accompagnement
Pour vivre une expérience véritablement riche et immersive, il est fortement recommandé de se faire accompagner par un guide francophone. Avec Vietnam Original Travel, vous serez guidé pas à pas dans l’univers fascinant de la laque vietnamienne.
Le guide ne se contente pas de présenter les étapes techniques – parfois complexes – de cet art millénaire : il en révèle aussi les origines, l’évolution à travers les époques et les symboles culturels qui y sont attachés.
Au-delà de Ha Thai : un circuit des villages artisanaux
Si vous disposez d’une journée complète, la visite de Ha Thai peut facilement se combiner avec d’autres villages artisanaux des environs de Hanoi.
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Bat Trang et ses céramiques : situé sur les rives du fleuve Rouge, à une quinzaine de kilomètres de Hanoi, ce village est une véritable institution. Depuis plus de 700 ans, les potiers de Bat Trang façonnent bols, jarres et vases dont certains ornaient autrefois les palais impériaux.
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Van Phuc et la soie : ce village, à environ 10 km du centre de Hanoi, est réputé pour sa soie fine et lustrée, autrefois réservée aux mandarins et aux familles aristocratiques.
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Chuong et ses chapeaux coniques (nón lá) : à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Hanoi, Chuong est surnommé « le village des chapeaux ». Depuis des siècles, les familles y fabriquent ces couvre-chefs emblématiques du Vietnam, faits de feuilles de palmier soigneusement assemblées sur des armatures de bambou.
Pourquoi la village de la laque de Ha Thai mérite le détour ?
Une authenticité rare
À l'heure où tant de destinations touristiques se standardisent, le village de la laque de Ha Thai offre une expérience authentique devenue rare. Ici, pas de reconstitution ni de spectacle : on découvre un mode de vie réel, des gens qui travaillent vraiment, un savoir-faire vivant.
Cette authenticité se ressent dans chaque détail : les outils patinés par l'usage, les mains tachées des artisans, l'odeur de laque qui imprègne les vêtements, les conversations en vietnamien qui s'interrompent poliment pour accueillir les visiteurs.
Une leçon de vie
Visiter le village de la laque de Ha Thai, c'est aussi recevoir une leçon de philosophie pratique. Dans nos sociétés pressées, observer ces artisans qui prennent le temps nécessaire à la perfection interroge notre rapport au travail, à la qualité, au temps qui passe.
Leur patience, leur minutie, leur capacité à recommencer une pièce ratée sans se décourager enseignent des valeurs souvent oubliées. Dans un monde obsédé par la productivité et la rentabilité immédiate, Ha Thai rappelle qu'excellence et précipitation ne font pas bon ménage.
Défis et enjeux actuels du village de la laque de Ha Thai
Si Ha Thai reste l’un des hauts lieux de la laque vietnamienne, son avenir n’est pas sans obstacles.
La concurrence industrielle : dans un marché mondialisé dominé par les objets standardisés, les pièces artisanales de Ha Thai doivent se distinguer face à des produits bon marché venus d’usines. Ces copies séduisent par leur prix, mais elles n’offrent ni la profondeur, ni l’authenticité du travail manuel.
La transmission du savoir-faire : la pérennité du métier repose sur la relève. Or, beaucoup de jeunes quittent le village pour chercher des emplois plus stables et mieux rémunérés à Hanoï. L’apprentissage de la laque demande des années de patience et de rigueur, ce qui décourage parfois les nouvelles générations.
La durabilité : la laque dépend directement de la résine d’un arbre précieux, aujourd’hui fragilisé par la déforestation et le changement climatique. La raréfaction de cette ressource menace l’équilibre économique du village. Pour y répondre, plusieurs initiatives locales, souvent soutenues par l’État ou des ONG.
En conclusion
Prendre la route vers le village de la laque de Ha Thai, c’est s’offrir une parenthèse unique au Vietnam. Entre le parfum de la sève, le reflet nacré d’une coquille incrustée, le bruit discret d’un pinceau qui glisse, on découvre un monde où l’art et la vie se confondent. Ici, le passé ne s’oppose pas au présent : il s’y mêle, il s’y transforme, il continue de vibrer. Ha Thai n’est pas qu’un village d’artisans : c’est une porte ouverte sur l’âme vietnamienne.
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